• Assise au milieu d’une foule nerveuse et agitée, aux milieux des cris et des injures, Dalya prit sa décision. Cela faisait un moment que la bataille avait commencé. Sur le trajet, elle en avait entendu les échos, et s’était fait violence pour ne pas courir en direction du champ de bataille. A présent elle regrettait un peu. Mais ce n’était pas la meilleure solution, et elle en avait choisie une autre. Plus qu’une simple envie, c’était son instinct qui la poussait à vouloir rejoindre ses amis. Elle était fermement déterminée à y aller, mais ça n’empêcha pas le doute de l’assaillir. Drevor voudrait-il d’elle ? Il pourrait la chasser en la voyant… Et aurait-elle la force de faire le trajet jusqu’au bout ? Son malaise l’handicapait de plus en plus… La possibilité que les réponses soient négatives la tourmentait. Mais elle devait rejoindre ses amis. Elle le sentait, elle le voulait, elle devait le faire. Si elle ne tentait rien, elle n’obtiendrait jamais rien. En un instant le doute était devenu carburant, et cela ne lui déplaisait en rien. Elle se leva doucement avec une expression crispée. Elle ne se sentait pas bien, et ce n’était pas un secret. Dire que le simple fait de se lever demandait une si grande quantité d’énergie ! Elle s’éloigna le plus discrètement possible de sa mère et des autres. Il ne fallait pas qu’on la remarque

    « Dalya qu’est-ce que tu fais ? »

    Raté.

    « Je sors juste, il faut vraiment que je… enfin que j’aille aux toilettes quoi.

    - D’accord mais fais vite on va bientôt s’en aller.

    - T’inquiète.

    Une fois à l’extérieur la jeune fille s’autorisa un soupir de soulagement et prit conscience de ce qui se passait autour d’elle. Au loin elle entendit des cris ainsi que des sifflements. Le brouhaha n’arrangeait pas son malaise, bien au contraire il l’accentuait. Dalya pensait qu’il y avait une autre raison à cela. Son mal avait augmenté rapidement alors qu’elle attendait dans le Ravendam, et il continuait à s’accentuer. Toutefois à force de marcher la douleur devenait plus supportable, même si ça restait désagréable… Elle s’éloigna de sa maison en restant sur ses gardes. Beaucoup de Velors défendant le village, les envahisseurs n’avaient aucune chance d’entrer, ce qui ne l’empêchait pas de rester prudente, car elle n’aurait pas aimé tomber sur un ennemi. Malgré ca certitude que rien ne lui arriverait, l’angoisse lui serrait le cœur tel un étau glacé. En réfléchissant, Dalya s’était dirigée d’instinct vers la butte où elle avait fait le rêve en même temps que son trouble avait commencé. C’était plutôt étrange. Ses amis étaient partis se battre, et la bataille se déroulait dans la direction opposée. Ce n’était vraiment pas logique, elle ne les trouverait certainement pas là-bas. Depuis longtemps la jeune fille préférait suivre son instinct plutôt qu’écouter ce que lui dictait sa logique. Et il n’avait jamais failli. Cependant elle devait faire attention : il ne fallait pas confondre l’instinct et cette chose que l’on prenait pour l’instinct alors qu’elle n’était qu’une idée.

    En arrivant en bas de la butte, elle se demanda ce que lui soufflait son instinct : devait-elle se dépêcher et escalader ou pouvait-elle prendre son temps et monter les escaliers qui se trouvaient à une certaine distance de là ? Dalya remarqua qu’un morceau de muraille avait détruit les marches. Un bien mauvais signe.

    « On dirait que je n’ai pas le choix… »

    Elle décida donc d’escalader. La paroi n’était pas verticale mais elle était glissante. Heureusement elle n’était pas très haute ; à peine trois mètres de hauteur. Elle l’avait déjà montée plusieurs fois –sans grande difficulté d’ailleurs-, cependant quand elle commença l’escalade, une indicible douleur la prit et elle lâcha prise. Elle serra les dents et recommença. Aussitôt la douleur revint, aussi vive que la première fois si ce n’est plus, et même en s’y attendant, la jeune fille faillit lâcher prise. Mais elle tint bon et continua son ascension. Pour s’encourager, elle pensa que si elle voulait devenir une Velor puissante, elle devait arriver à supporter la douleur. Mentalement, elle rajouta à cette pensée beaucoup d’autres arguments. Etrangement cela l’aida et elle continua à se hisser à la force de ses bras meurtris. Elle devait retrouver ses amis d’urgence, car elle sentait au plus profond de son être qu’ils étaient en danger. Et que cela avait à voir avec son étrange sensation. Toujours en serrant les dents, la jeune fille se hissa sur l’herbe verdoyante et roula sur le côté.

    Elle regarda autour d’elle en se relevant péniblement. De là où elle était, elle ne vit personne, et se dirigea donc vers la gauche, car des bruits en parvenaient. Tentée de courir, elle abandonna cette idée quand elle s’aperçut que c’était trop douloureux. Elle marcha donc du plus vite qu’elle put. Toutefois, à mesure qu’elle avançait, chaque pas lui coûtait plus d’efforts et elle sentait de la sueur sur son front. Elle commença à trembler et une chaleur désagréable se propageait dans son corps, accentuant le malaise qui lui était de plus en plus insupportable. Elle mit sa main en visière afin de voir plus précisément les contours flous qu’elle apercevait au loin.

    Aussitôt son sang ne fit qu’un tour. Il n’était pas difficile pour elle de deviner qui étaient les personnes familières qui trainaient sur le sol, ligotées. Elle remarqua alors les cinq hommes qui les encerclaient. Comme s’il s’était aperçu de sa présence, l’un d’eux se retourna et cria quelque chose à ses compagnons. Mais Dalya ne comprit pas ce qu’il disait, ni ne vit ce qu’il se passait autour d’elle. Sans explication, elle tomba à genoux, pliée en deux comme si elle allait vomir, et plaqua ses mains sur ses tempes. Sa respiration devint douloureuse et saccadée, et des larmes perlèrent à ses paupières. Elle fut bientôt secouée de spasmes. Le regard de cet homme avait suffi à la plonger dans un état second où n’existait que souffrance. L’idée que la souffrance est été inexistante un jour lui semblait impossible. Elle n’arrivait plus à penser à autre chose. Souffrance... Existait-il autre chose que cela ? En un instant la souffrance était devenue sa seule réalité. La santé, le bonheur, l’amitié… Tout ça n’était qu’une illusion. Avait-elle vraiment connu cela un jour ? A ce moment là, elle se serait volontiers moquée de quelqu’un affirmant l’existence de ces choses. Du moins si elle en avait eu la force…

    Un étrange sentiment s’emparait d’elle. Avec terreur elle se rendit compte qu’elle ne sentait plus rien. La douleur s’était tant emparée d’elle qu’elle ne parvenait même plus à savoir si elle avait réellement une enveloppe corporelle. La jeune fille tenta en vain d’effectuer la plus insignifiante esquisse de geste. Comment espérer se contrôler, lorsqu’on n’arrivait même pas à contrôler son esprit ? Dalya insista, refusant de perdre ce combat. Mais même cette volonté-là ne put résister à la nouvelle vague de souffrance qui déferla en elle. Emportée par les flots tumultueux de sa conscience malmenée, elle se débattit pour retourner à la surface et reprendre son souffle.

    Alors que les hommes s’approchaient d’elle sans qu’elle ne distinguât rien, la jeune fille réfléchit du mieux que son état lui permettait, sans réussir à établir une quelconque idée rationnelle. L’interminable douleur devenant inhumaine, Dalya mobilisa toutes ses forces pour extérioriser son calvaire. Ce hurlement représentait tout le bref mais terrible calvaire qu’elle avait enduré. C’était un cri qui n’avait rien d’ordinaire. Un cri qui se répercuta longtemps dans les plaines. Un cri qui glaça les sangs de tous ceux qui l’entendirent.

     

    Aussitôt après, tout devint noir, sombre, et plus incompréhensible encore.

     

     

    Sommaire


    votre commentaire
  • Cette épée lui servirait aujourd'hui à repousser les envahisseurs. Au fil des années, alors qu'elle s'entrainait secrètement avec cette épée, elle avait appris à lui faire confiance. Elle avait déjà chassé avec celle-ci dans la forêt d'Enertel, et elle ne lui avait jamais fait défaut. Il est vrai que plusieurs proies lui avaient échappé, mais c'était le manque d'entrainement d'Arya qui en était la cause. L'arme avait toujours tué les animaux avec une efficacité redoutable... Elle se doutait que ce jour-là ce serait pareil.

    Après avoir l'avoir récupérée, Arya courut en direction de la bataille. Arrivée là-bas elle s'aperçut que les portes étaient à demi ouvertes et que les habitants de Monivel se battaient pour éviter qu'elles ne s'ouvrent complètement. Comprenant l'urgence, la jeune fille se rua vers les portes et se faufila entre elles avant de se jeter dans la bataille. Ce qu'elle vit la laissa sans voix. Les gens qu'elle connaissait étaient en train de se faire massacrer un par un, et même s’ils se défendaient bien, chaque ennemi tué était aussitôt remplacé par trois autres, ce qui rendait l’affrontement bien trop inégal. La forte odeur du sang mêlée à l’horreur à laquelle elle assistait donna la nausée à Arya. Elle était venue pour donner un coup de main, mais à présent elle n’était plus très sûre de vouloir participer au combat. Elle avait l’impression que la mort l’attendait à quelques mètres. Et elle ne voulait pas mourir. Pourquoi n’avaient-ils pas fui plutôt que de mener une bataille perdue d’avance ? Pourquoi ? Si tout le monde s’était enfui tous ces morts ne le seraient pas ! A moins que ce soit plus compliqué que ça…

    Alors qu’elle s’apprêtait à fuir, elle sentit un bras se nouer autour de son cou tandis qu’une main lui couvrait la bouche. Paniquée, Arya commença à se débattre et à tenter de décocher des coups de pied à son agresseur mais aucun d’eux ne l’atteignit. Quand elle vit la lame d’un couteau s’approcher de son visage, son sang ne fit qu’un tour et elle tenta de blesser son ennemi. Comme elle était dans l’incapacité d’utiliser son épée, la jeune fille chargea ses mains de Poison et parvint à toucher son assaillant avec. La sphère fit le reste. Au bout de quelques secondes, elle entendit un gémissement étouffé ainsi que le son du couteau qui tombait sur le sable tandis que l’étreinte que l’homme exerçait sur elle diminuait. Profitant de sa faiblesse elle se libéra et, empoignant son épée à deux mains, elle acheva l’homme. Alors que du sang commençait à se répandre sur le sol, l’adolescente recula, son assurance envolée, et plaqua une main sur sa bouche. Complètement paniquée et horrifiée par son geste, l’adolescente entama une course effrénée pour retourner au village. Des larmes perlèrent à ses yeux tandis qu’elle essayait vainement de remettre de l’ordre dans ses idées. Elle avait tué un homme ! C’était peut-être de la légitime défense mais l’acte n’en restait pas moins horrible. Et c’avait été tellement facile… De plus en plus vacillante, elle tomba à genoux et dissimula son visage avec sa main gauche. Les poings serrés, elle tenta de calmer sa respiration saccadée.

    « Calme-toi Arya, calme-toi. Cet homme a essayé d’te tuer, t’étais obligée de te défendre. C’est d’sa faute s’il est mort, pas d’la tienne. Calme-toi purée ! »

    La jeune fille tenta vainement de se rassurer mais elle ne croyait rien de ce qu’elle disait. Se redressant avec difficulté elle couvrit lentement la distance qui la séparait des portes et s’engouffra à l’intérieur de la ville. Pensant soudain à ses amis, elle se demanda ce qu’elle était sensée faire. Elle ne voulait pas vraiment qu’ils la voient dans cet état, toutefois elle désirait plus que tout que cet horrible sentiment disparaisse et ils pourraient sûrement l’y aider.

    Quelle hésitation stupide. Elle avait besoin d’aide et ils la cherchaient peut-être en ce moment même. A la pensée d’être réunie avec ses amis l’espoir revint en Arya.

     

    Avant de s’évanouir, elle sentit une masse s’abattre sur sa nuque.

     

    Sommaire


    votre commentaire
  • C'était samedi. L’un des seuls jours où Arya devait aider ses parents à la ferme… Mais elle n’avait vraiment pas envie de travailler, alors elle partit de chez elle –provisoirement bien sûr- et alla faire un tour dans les plaines. Par chance elles étaient désertes. Ce n’était toutefois pas commun car souvent, ce jour-là, les gens aimaient se balader, et les enfants se défouler. Elle ne comprenait pas pourquoi personne n'était là… Y avait-il un événement particulier, un mariage ou un décès ? Tout à coup un déclic s’était fait dans son esprit : c’était jour de fête ! Ses amis y avaient fait allusion plusieurs fois, mais elle n’avait pas compris de quoi ils parlaient. Il fallait qu’elle se dépêche de rentrer : ils devaient se demander où elle était ! Après tout, tout le monde y participait…

    Alors qu’elle s’apprêtait à partir pour la fête, quelque chose attira son attention. C’était une sorte de murmure indistinct. Elle tendit l’oreille afin de comprendre ce qu’était cela. Il semblait venir en provenance des montagnes, mais comme elle ne voyait personne, elle se demandait qui pouvait bien parler… A moins que ce murmure soit de nature magique. Il n’était pas si rare qu’un évènement magique se produise. Dalya disait que, d’après sa mère, le village était protégé par les Dieux eux-mêmes et que ça pouvait expliquer certains évènements surnaturels. C’était plausible, même si Arya n’avait jamais vu de Dieux, elle ne doutait pas de leur existence. De plus, aussi loin qu’elle s’en souvienne, Monivel n’avait jamais été attaqué… On pouvait dire que c’était grâce à la protection des Dieux.

    La fête attendrait, et ses amis aussi. Curieuse, elle décida de marcher en direction de ce murmure, vers des montagnes dont elle ne connaissait plus le nom. Elle ne fit pas attention au temps qu’elle mit avant de les atteindre, mais elle entendait toujours ce bruit étrange, comme s’il la suivait, tout en restant devant elle, lui montrant un chemin mystérieux. Elle commença son ascension par un chemin pentu qui s’enfonçait dans la forêt. Celle-ci parut étrange à Arya, elle avait l’impression que quelque chose manquait, et cela la mettait mal à l’aise. Elle comprit rapidement ce qui n'allait pas. C’était le silence. Elle n’entendait absolument rien. Habituellement on entendait le chant d’un oiseau ou n’importe quel autre bruit de vie. Même le bruissement des feuilles manquait au rendez-vous. Elle n’aimait pas vraiment cet endroit. Heureusement, une douce lumière filtrait à travers les arbres, lui offrant un peu de réconfort. Elle ne mit pas longtemps à sortir de cette forêt qui lui plaisait de moins en moins. Elle emprunta un chemin qui menait un peu plus haut, suivant le murmure. La fillette ne reconnaissait pas les lieux mais elle avait l’impression qu’elle aurait dû les connaître. Et qu'elle n’aurait pas dû y aller… Mais tant pis ! Elle devait continuer. Quelque chose l’attendait au bout de cette route. Il lui fallait trouver la source du murmure.

    Elle suivit le murmure pendant près d'une heure, approchant peu à peu de ce qu'elle pensait être sa source. Le sommet n'était plus très loin lui non plus. Le sentier s'effaça et Arya se retrouva face à une vaste grotte. Ce n'était pas tout à fait le sommet mais elle ne pouvait pas vraiment la contourner...

    " J'y arrive", murmura-t-elle pour elle même.

    Elle s'enfonça à l'intérieur, tandis que le murmure se faisait plus fort et plus précis. Ce n'était pas vraiment des mots qu'elle entendait, mais plutôt des sons murmurés qui n'avait pas pour but de signifier quoi que ce soit. Alors que la fillette avançait prudemment et que la luminosité baissait, elle se rendit compte que le murmure provenait à présent de la paroi à sa droite, et plus de devant. Elle se dirigea donc vers celle-ci en se demandant si elle avait bien fait de rentrer dans cette grotte. Arrivée à destination, elle distingua un reflet et se baissa pour tâter la paroi. Elle s'aperçut alors que ce qu'elle cherchait depuis le début, ce pourquoi elle avait fait tout ce chemin, était une épée magnifique qui brillait d'un éclat argenté et était parcourue d'écritures mystérieuses. Stupéfaite, elle avait emmené l'épée avec elle, renonçant à explorer cette grotte qui commençait à lui faire peur, car elle savait à présent où elle était. C'était les montagnes de Benzéral. N'importe qui aurait préféré mourir que de venir là... Elle se dit qu'elle devrait peut-être y laisser l'arme, mais elle avait toujours voulu une épée et la beauté de celle-là la convainquit définitivement de ne pas le faire. Arya se jura toutefois que personne ne devrait découvrir l'épée. Pas même ses amis...

     

    Sommaire


    1 commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires